Le Monde sobre Rayma


Au Venezuela, la dessinatrice de presse Rayma est censurée et licenciée
POR: LE MONDE‏ · PUBLICADO EL 20/09/2014
La célèbre dessinatrice de presse Rayma vient d’annoncer son licenciement sur son compte Twitter, repris par la BBC et par des journaux vénézuéliens. Le quotidien El Universal, où elle travaillait depuis dix-neuf ans, l’a limogée à la suite d’un dessin sur la crise de la santé publique au Venezuela, représentée par un encéphalogramme plat commençant par la signature de l’ancien président Hugo Chavez (1999-2013).
Déjà de son vivant, caricaturer le chef de l’État était devenu tabou. Rayma avait trouvé des manières détournées d’évoquer la figure de l’envahissant leader de la “révolution bolivarienne”.
Le sujet qui lui vaut d’être limogée est un des plus sensibles pour les Vénézuéliens qui n’ont pas les moyens de recourir à la médecine et aux cliniques privées.
En dépit de l’aide massive de médecins cubains, vantée par la propagande, les hôpitaux et la santé publiques au Venezuela sont dans un état comateux, depuis longtemps pointé du doigt par les malades et par des reportages indépendants. Une épidémie mortelle a fait son apparition, sans que les autorités compétentes soient capables de fournir ne serait-ce qu’un diagnostic. Comme d’habitude, les chavistes recourent aux thèses complotistes.
Le quotidien Ultimas Noticias, pourtant proche du régime, a publié des articles poignants sur les hôpitaux. Les pénuries de médicaments et d’équipements sont à la fois le résultat de la gabegie gouvernementale, de la corruption et du contrôle des changes qui bloque les importations. La situation est aggravée par l’exode massif de professionnels de la santé. Selon la fédération des médecins, 12.000 d’entre eux auraient émigré. Sur les 1.800 formés en 2013, 1.100 auraient déjà quitté le Venezuela. Entre-temps, les nouvelles universités “bolivariennes” forment des professionnels au rabais, qui ne sont pas capables de faire face aux urgences plus complexes et aux nécessités chirurgicales.
Journaliste formée à l’Université centrale du Venezuela, à Caracas, Rayma Suprani est une dessinatrice de presse à réputation internationale, membre de l’association Cartooning for Peace, fondée par Plantu.
Elle intervient dans le documentaire Caricaturistes – Fantassins de la Démocratie, présenté à Cannes et distribué en France. Aussi bien ses dessins que les tableaux de grand format qu’elle peint ont été maintes fois exposés au Venezuela et ailleurs.
Récemment, Rayma avait déployé son talent dans une série de cartes inspirées du Tarot et abordant les malheurs qui affligent les Vénézuéliens au cours d’une année particulièrement tourmentée, marquée par les protestations de la rue, une répression féroce, la débâcle économique symbolisée par l’hyperinflation (63%) et l’endettement public, et une crise de gouvernance persistante.
La censure vise “l’hégémonie communicationnelle”
El Universal, qui publiait les dessins de Rayma en Une, est un des nombreux médias qui a changé de mains au profit de propriétaires favorables ou plus accommodants à l’égard du chavisme. Le premier et le plus important a été la chaîne de télévision du groupe Cisneros, du nom d’une des fortunes du Venezuela. En même temps que la carotte, Chavez agitait le bâton, en privant de licence, en 2007, RCTV, la plus ancienne et la plus populaire des chaînes, spécialisée dans le divertissement.En 2013, c’était le tour de Globovision, chaîne info câblée : harcelé par les amendes et les autorités, le propriétaire a jeté l’éponge. Le changement d’orientation éditorial ne s’est pas fait attendre.
Pour la presse écrite, le régime manipule le contrôle des changes, pour octroyer au compte-gouttes les devises nécessaires à l’importation de papier journal. Plusieurs titres de province ont cessé de paraître, d’autres sont contraints à une pagination réduite à la portion congrue.
La menace pèse sur tous, le dernier en date étant le quotidien plus ancien du pays, El Impulso, fondé en 1904 à Barquisimeto. En outre, une législation taillée sur mesure menace les journalistes qui feraient des critiques à des hauts fonctionnaires ou membres du gouvernement.
En 2013, le quotidien Ultimas Noticias et les autres publications du groupe Capriles, basé à Caracas, ont été vendus à un acheteur dont l’identité a été cachée aux rédactions. El Universal a suivi la même voie. Le changement éditorial est notoire, dans un cas comme dans l’autre. L’attrait des pétrodollars est irrésistible. Les chavistes prétendent ainsi s’assurer “l’hégémonie communicationnelle”, suivant l’exemple de Cuba, où le musèlement des médias a précédé la formation du parti unique.
La pénurie de papier ne vaut pas pour le gouvernement du président Nicolas Maduro, qui vient d’annoncer la création de deux nouveaux journaux. L’audiovisuel est déjà en coupe réglée. Restent les réseaux sociaux, mais le pouvoir n’a pas hésité depuis février à réduire la largeur de la bande pour freiner l’accès à Internet et empêcher ainsi la circulation de l’information sur les manifestations de rue.
“La mainmise du clan Chavez sur la presse est réelle et, comme toujours, ce sont les Cartoonists qui trinquent en premier”, affirme Plantu. L’étau se resserre sur les Vénézuéliens, alors que le gouvernement est impuissant face à l’effondrement de l’économie. Rayma est un symbole de la résistance à cette dérive autoritaire

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